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Choquée - de Tania Carver, un bon policier

Le contexte: De retour de leur lune de miel, la psychologue Marina Esposito, son mari, l'inspecteur Phil Brennan, et leur petite fille Josephina rejoignent les parents de Phil dans un cottage du Suffolk. Dans la nuit, un terrible incendie ravage la maison de campagne. Miraculeusement sortie des flammes, Marina découvre que son beau-père est décédé, son mari dans le coma et sa fille, introuvable.
J'ai ce que vous cherchez... votre fille

Notre avis : Choisi un peu hasard sur les étagères de la bibliothèque, j'ai été agréablement surpris par ce roman de Tania Carver. Le suspens est brillamment mené etle style est agréable. L'histoire de "Choquée" est bien ficelée et l'on rentre facilement dans l'intrigue. Bref, c'est un très bon roman policier qui mérite d'être lu.

Couverture du roman policier de Tania Carver

Le début du livre

Il ouvrit les yeux, se leva lentement. Il avait mal. Mal partout. Il observa autour de lui.Embrassa la scène du regard. Et sut ce qu’il lui fallait.
Une arme à feu.
Il savait où en trouver une. Un fusil de chasse à deux coups que l’on utilisait pour tirer les lapins et les pigeons d’argile.
Mais pas aujourd’hui.
L’armoire dans laquelle il était rangé sous clé s’ou-vrait facilement. Il referma sa main sur le fusil, en apprécia le poids, le soupesa, comme s’il cherchait à mesurer ce dont l’objet était capable. Ou avait été capable.
Détachant ses yeux du canon double, il parcourut la pièce du regard. La maison était saccagée. Il se rappelait les savons qu’il recevait, enfant, quand il avait le malheur de jouer sur le mobilier toujours disposé avec minutie, astiqué à intervalles réguliers.
Les objets anciens représentaient un territoire interdit. Il ne devait en aucun cas y toucher, ni à rien d’autre d’ailleurs, sous peine de voir se réaliser ce dont on lui rebattait les oreilles dans une rengaine qui constituait l’un de ses plus lointains souvenirs entre ces murs. Il avait grandi dans cette terreur. Si l’une de ses mains venait à frôler par accident un vase ou une figurine
de porcelaine, il se couchait le soir avec, au ventre, la peur indicible d’un obscur et atroce châtiment.
Mais tout cela avait disparu, à présent, cédant la place au carnage.
Les meubles étaient renversés, les vitrines fracassées, les fauteuils éventrés. Les antiquités gisaient tout autour de lui, brisées en mille morceaux, étendant sur le sol de chaque pièce un tapis hérissé de tessons. Quelque chose accrocha son regard. Dans un coin, un vase était perché sur le socle qu’il occupait depuis toujours, unique rescapé. Il traversa la pièce pour toucher l’objet du bout des doigts. Caresser, dernier vestige du passé, de son passé. Au point d’en
oublier le fusil en équilibre sur son autre bras, logé au creux de son coude. Comme il exécutait un mouvement trop rapide, l’arme percuta le vase, qui s’écrasa sur le parquet. Un millier de minuscules éclats de porcelaine se répandirent sur le sol, tintant à ses oreilles.
Il recula d’un bond. Sentit les fragments se broyer sous ses pieds. Et, de nouveau, cette terreur d’enfant. Cette certitude qu’on lui ferait payer sa maladresse.
Que, d’une façon ou d’une autre, il serait puni.
Il se retourna pour fuir la pièce. Chercher la paix, le répit.
Mais c’était partout pareil. Partout le même carnage, les mêmes ravages.
Les mêmes cadavres.

Au milieu du roman : chapitre 38

Le Golem aimait rouler en voiture. Portières verrouillées, séparé du reste du monde par une barrière de tôle et de verre. Cap droit devant. Vers un but.
Même si ce but supposait qu'une vie s'achève.
En voiture, il pouvait se débrancher de tout le reste. Se recentrer. Méditer en mouvement.
Il prenait un malin plaisir à tromper son monde au volant de sa Toyota. La Prius n'était pas une voiture de tueur à gages, et c'était justement ce qu'il appréciait chez elle. C'était un modèle à la fois anonyme et respectueux de l'environnement. Exactement ce qui lui fallait. Car il entendait laisser peu que possible de traces de son passage sur terre au moment de partir. Comme son empreinte de pas dans le sable humide, effacée par la marée montante. C'était de l'ordre des choses.
Et c'était ce qu'il essayait de reproduire avec ses victimes. En une infime seconde, les conduire de la vie à la mort. Une fin simple, propre. Comme une lumière qui s'éteint sous l'action de l'interrupteur.
Il savait que son tour viendrait. Il se tenait prêt. Chaque jour, il se préparait à la mort. Pour la donner ou la recevoir. Et il accueillait avec gratitude chaque jour qu'il la donnait sans la recevoir.
Un jour, pourtant, son jour viendrait.
Un jour.
Il se réjouissait aussi d'avoir quitté les Sloane pour un moment.
C'étaient des employeurs réguliers, qui payaient rubis sur ongle pour des missions jamais trop éprouvantes. De bons employeurs, dont il n'aurait pas trouvé à se plaindre sans la sœur. Celle-là, elle commençait à lui taper sur le système. Et il ne le supportait pas. Il devrait régler le problème. D'une façon ou d'une autre.
Il tourna sur la gauche pour suivre le panneau indiquant Jaywick.
Puis il continua sa route. Concentré, préparé.
Prêt à tuer.