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Cadres noirs de Pierre Lemaitre

Alain Delambre est un cadre de 57 ans au chômage depuis 4 ans. Après une carrière dans les ressources humaines, il ne parvient plus à trouver le moindre poste et est obligé de faire des petits boulots pour subsister à ses moyens. Jusqu'au jour où ses démarches pour trouver du travail sont enfin récompensées : il est sélectionné pour un entretien d'embauche pour une grosse société et il doit tout faire pour réussir...quitte à aller dans les extrêmes !

Couverture du roman cadres noirs

Notre avis

Notre avis : Après Robe de marié et Alex, voici le 3ème roman qui passe entre nos mains. Et cette fois encore, nous ne sommes pas déçus !
L'auteur nous emmène dans une aventure où un homme est prêt à tout pour retrouver du travail. Alors quand il s’aperçoit qu'il n'a aucune chance, il devient incontrôlable. D'autant plus qu'il a mis toute son existence et celle de sa famille en danger.
Tout au long du thriller, on a mal pour lui et difficile de dire s''il pourra se sortir du bourbier dans lequel il s'est mis. Voilà qui donne une bonne dose de suspens tout au long du roman.

Notre note : 17/20

Le début du roman

Je n’ai jamais été un homme violent. Du plus loin que je remonte, je n’ai jamais voulu tuer personne. Des coups de colère par-ci par-là, oui, mais jamais de volonté de faire mal vraiment. De détruire. Alors là, forcément, je me surprends. La violence c’est comme l’alcool ou le sexe, ce n’est pas un phénomène, c’est un processus. On y entre sans presque s’en apercevoir, simplement parce qu’on est mûr pour ça, parce que ça arrive juste au bon moment. Je savais bien que j’étais en colère, mais jamais je n’aurais pensé que ça se transformerait en fureur froide. C’est ça qui me fait peur. Et que ça se porte sur Mehmet, franchement…
Mehmet Pehlivan.
C’est un Turc.
Il est en France depuis dix ans, mais il a moins de vocabulaire qu’un enfant de dix ans. Il n’a que deux manières de s’exprimer : il gueule ou il fait la gueule. Et quand il gueule, il mélange du français et du turc. Personne ne comprend rien, mais tout le monde voit très bien pour qui il nous prend. Aux Messageries pharmaceutiques, où je travaille, Mehmet est « superviseur » et, selon une règle vaguement darwinienne, chaque fois qu’il monte en grade, il se met aussitôt à mépriser ses anciens collègues et à les considérer comme des sortes de lombrics. J’ai souvent rencontré ça dans ma carrière, et pas seulement avec des travailleurs migrants.

Avec beaucoup de gens qui venaient du bas de l’échelle, en fait. Dès qu’ils montent, ils s’identifient à leurs patrons avec une force de conviction dont les patrons ne rêveraient même pas. C’est le syndrome de Stockholm appliqué au monde du travail. Attention : Mehmet ne se prend pas pour le patron. C’est presque mieux, il l’incarne. Il « est » le patron dès que le patron n’est pas là. Évidemment, ici, dans une entreprise qui doit employer deux cents salariés, il n’y a pas de patron à proprement parler, il n’y a que des chefs. Or Mehmet se sent trop important pour s’identifier à un simple chef. Lui, il s’identifie à une sorte d’abstraction, un concept supérieur qu’il appelle la Direction, ce qui est vide de contenu (les directeurs, ici, personne ne les connaît) mais lourd de sens : la Direction, autant dire le Chemin, la Voie. À sa façon, en montant l’échelle de la responsabilité, Mehmet se rapproche de Dieu